Pour les jeunes, par les jeunes de l’océan Indien
Niché dans les montagnes, le village où vit Noémie est très apprécié par les touristes pour son authenticité. Elle en a toutefois une expérience loin d’être idyllique. Pour elle, la consommation de gandia qui y est courante a gâché son enfance, au point où elle n’a qu’une hâte : partir loin.
Le village où j’habite est un lieu plutôt touristique. Aussi connu localement pour ses « fimer gandia ». C’est dans cette réalité que j’ai commencé ma vie avec mes parents. Désormais, je passe la plupart de mes journées avec ma grand-mère, ma tante et son fils. Lui aussi, à 14 ans, il consomme déjà du cannabis et ça sans le consentement de sa mère. J’ai essayé de l’aider en lui parlant mais malheureusement je n’ai pas réussi et tout cela à cause de l’exemple donné par les garçons de la famille.
Ici, même les filles en consomment car c’est la tendance. Après ils s’étonnent que l’on ait mauvaise réputation ! Heureusement pour moi que je vis avec ma grand-mère car sinon je serais peut-être en train d’en consommer à l’heure où j’écris ce texte. C’est un sujet que je n’ai jamais abordé avant car en ce qui concerne ma famille et mes proches, en général, on est tous issus du même endroit et ils n’ont pas besoin de moi pour voir ce qui se passe autour. Tout le monde connaît les problèmes à cause du gandia. Au collège, j’évite d’en parler. Peut-être par honte ou peur d’être jugée. J’espère que mon témoignage aidera des jeunes de mon village à ne pas tomber dans ce fléau. Être sous son emprise est difficile et y échapper est presque impossible.
Avoir été témoin des différentes actions de mon père et de sa famille me dégoute et m’attriste. Oui, j’ai vu mon père avoir un comportement violent envers ma mère, que ce soit verbalement ou physiquement. Je l’ai vue souffrir, essayer de cacher sa peine devant les autres. Ce sont des choses qui m’ont vraiment marquée. Avec tout ce stress et les coups, ma mère a développé une maladie (je n’ai jamais vraiment su laquelle) et malgré cela mon père a continué à la frapper car disait-il était « en manque » de gandia. Il n’avait sans doute pas toujours l’argent pour en acheter. Il lui a fait subir des humiliations à répétition jusqu’à la mettre dehors dans le froid pendant que mes frères et moi cherchions la clé pour la faire rentrer avant qu’il ne revienne. En repensant à tout cela, j’ai encore mal. Après un certain temps, j’ai dû aller vivre chez ma grand-mère à cause de la maladie de ma mère et puis j’étais la seule fille de la famille. Ils ont décidé qu’en tant que fille je devais recevoir une certaine éducation que ma mère ne pouvait pas me donner. Trois ans plus tard, maman a été libérée de sa souffrance et de sa maladie. Une perte comme celle-là est vraiment douloureuse… J’avais 9 ans quand elle est partie et ça m’a perturbé mentalement, tout comme mes frères. Mais je gardais un grand sourire pour que personne ne le sache.
En regardant tous ces gens consommer de la drogue, j’éprouve de la colère et cela deviendra sûrement encore plus le cas quand je verrai mon père! Aujourd’hui il est derrière les barreaux à cause de ça. Ce n’est pas la première fois d’ailleurs qu’il va en prison. Il n’est pas le seul. Il y eu des descentes de la Central Investigation Division (la CID) assez souvent. Parfois ils viennent en hélicoptère. Il y a des arrestations de temps en temps. Alors pour ceux qui vont en prison ça devient un peu banal. Mais nous, les enfants, on souffre de ça.
C’est bizarre de dire ça mais par exemple ne pas entendre mon papa nous crier dessus, mes frères et moi, me manque un peu. Je prie pour qu’il sorte et qu’il change de comportement. Je vois que beaucoup de personnes ont consommé de la drogue à cause de l’influence des amis ou des proches. J’ai encore ces fameuses phrases en tête : « Si to pa seye to bom » ou « Zis seye twa to pou gete apre ». Quelques mots, si simples, qui sont le début d’une destruction de sa propre vie et par la même occasion de celle de ses proches. Comme je suis encore au collège, j’espère obtenir de bons résultats pour pouvoir quitter mon pays et m’envoler pour un autre pays comme le Canada ou la France. Y continuer ma vie dans un environnement plus sain où je pourrai tourner la page sur la drogue et oublier toutes ces expériences que j’ai dû endurer depuis que je suis enfant.
Noémie, 16 ans