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Vendre de la drogue, ça paraît plus facile

Dans le village d’Emilia, l’école semble avoir perdu la bataille face à un autre modèle d’apprentissage : celui de la rue. Vendre du mass (cannabis) ou du simik (drogue synthétique) rapporte plus vite que de trimer pour obtenir un diplôme. Pendant que certains s’interrogent, d’autres sombrent. 

 

D’où je viens, le village du Morne, les jeunes ont tendance à arrêter l’école au profit d’un autre chemin : celui de la drogue. Pour les jeunes, l’école c’est compliqué, pas intéressant, trop cher, surtout pour les parents qui n’ont pas les moyens de payer l’uniforme scolaire, le sac à dos et les fournitures scolaires. Donc vendre des produits illicites comme le mass (cannabis), ou les simik (drogues synthétiques), c’est plus avantageux financièrement. Il y a même des drogues importées qui circulent dans notre village, venant d’Afrique du Sud et de La Réunion. En une journée, les adolescents comme les plus âgés peuvent récolter un minimum de Rs 2 500. 

 

J’ai vu beaucoup de jeunes et même des enfants qui consomment des drogues dans la rue. Ils sont parfois en bande et ne sont plus dans leur état normal : les yeux rouges, ils rient  pour un rien, sont dans la lune, ne marchent pas droit. Par des amis, j’ai compris que les personnes qui vendent de la drogue dans la rue sont juste des « pions ». Apparemment, ils ne connaissent pas leur « supérieurs ». Ils gagnent juste un pourcentage sur les ventes et ce sont les gens qui plantent ou qui font les simik qui gagnent une grosse somme. De nos jours, les jeunes comme les vieux plantent le gandia (cannabis) et sont aussi consommateurs. Mais c’est à leurs risques et périls. Ce qui peut les influencer quand ils se mettent à fumer très jeunes, c’est leur environnement familial. Ils font comme ce que les grands font à la maison. Dans mon village, certains mettent cela sur le compte de leur culture. Il y a aussi ceux qui sont influencés par leurs amis, que ce soit à l’école ou au collège, parfois carrément dans la rue par des inconnus. 

 

Les adolescents sont plus ouverts et accessibles à cela surtout les personnes mineures. Vu qu’il y a des jeunes filles qui tombent enceintes rapidement dans mon village et sa région et que la vie est chère surtout depuis le confinement, c’est plus tentant et facile pour les jeunes hommes. Disons qu’ils pensent en fait pouvoir assurer avec. Après ils rentrent dans un cycle infernal. Ce que je vois m’inquiète et me met en colère. Les jeunes veulent avoir de l’argent rapidement pour se la « péter » ou, parfois, c’est juste pour consommer encore plus de ces drogues. Mais je me demande si ce n’est pas dans certains cas pour échapper à la pauvreté.  Comme il  faut un diplôme pour avoir un travail ‘convenable’ pour subvenir aux besoins de sa famille, ils renoncent et prennent ce chemin plus facile. Surtout dans mon village, il y a plein de mineurs qui travaillent depuis leur jeune âge, pour récolter plus d’argent pour pouvoir s’occuper de leurs petit frères/sœurs ou de leurs parents malades. 

 

C’est une réalité qui est devenue normale.

 

En tant que jeune je me pose beaucoup de questions et je veux aussi interroger les adultes ! Vous vous êtes déjà demandé pourquoi il y plus de drogues synthétiques que de gandia ? Pourquoi y a-t-il beaucoup des gens qui font venir des conteneurs de soi-disant marchandises par bateaux ? Pourquoi le gouvernement ne veut pas légaliser la consommation de gandia comme les autres pays ? Si les gens pouvaient avoir un plant chez eux, ça diminuerait peut-être le nombre de vendeurs de drogues dures.  Si le gouvernement rendait le mass légal à 18 ans, ça sera peut-être comme la cigarette. Ça aussi c’est une drogue. Mais il n’y aurait pas beaucoup de morts et d’overdoses comme avec les simik ou le Brown (l’héroïne). Pourquoi le simik est aussi accessible que la gandia? Moi je sais car j’écoute ce que les autres jeunes disent : c’est bon marché et son effet dure plus longtemps. Et puis, les « pions », ces vendeurs qui ont parfois pas plus de 13 ans, préfèrent vendre le simik car ils obtiennent quatre fois plus  d’argent, parfois jusqu’à Rs 10 000 par jour. 

 

Beaucoup de parents s’en fichent de ce que font leurs enfants, que ce soit vendre de la drogue ou en consommer, ou s’ils sont alcooliques. Ils ne réagissent pas et ne les raisonnent pas. Personnellement ça m’inquiète de voir tout cela autour de moi. Quand je vois ces enfants seuls, laissés à eux-mêmes sans aucune protection parentale, à la fois ça me chagrine et ça me met hors de moi car un enfant c’est une bénédiction. Il faut en prendre grand soin et le protéger. Mais ici c’est tout le contraire, c’est comme si les parents font leur vie de leur côté et laissent les enfants se débrouiller tout seuls. Pour ma part, j’ai déjà essayé de raisonner un proche mais c’est comme s’il était emprisonné, il ne peut pas s’échapper de ce cercle vicieux. Il est dépendant de la drogue. Il lui faudrait une désintoxication. Mais moi je ne connais rien à cela. 

 

Aujourd’hui, la drogue est devenue quelque chose de banal et accessible pour tout le monde. Pour éviter les overdoses, les morts et les maladies que je vois trop souvent, je me dit qu’il faut encadrer  les ados du mieux qu’on peut ! Parfois à l’adolescence on fait de mauvais choix. 

 

Emilia, 16 ans

 

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