Pour les jeunes, par les jeunes de l’océan Indien
Quand sa famille déménage, Adriano est contraint d’accepter que sa chienne Malia, à laquelle il est très attaché, soit confiée aux gérants d’un snack à Barkly. Une séparation d’autant plus déchirante que Malia y vivra une situation difficile, illustrant la maltraitance courante des chiens à Maurice.
Ce jour-là, quand on a déménagé, la cour était pleine de cartons et d’objets éparpillés. Ma chienne, Malia, était avec nous depuis quelques mois déjà. On la considérait comme un membre de la famille. Elle mangeait à la même heure que moi. La même chose que moi. J’avais développé une grande affection pour elle. J’avais du mal à accepter qu’on doive se séparer d’elle. Mais dans notre nouvelle maison, les animaux étaient interdits. Ma mère a alors pris la décision de la confier à la marraine de ma petite sœur. Cette proche tenait un petit snack à Barkly, et je n’étais pas à l’aise avec le fait de savoir Malia dans ce quartier populaire dont on dit qu’il compte beaucoup de toxicomanes.
Le snack n’avait même pas d’eau pour laver les assiettes sales. Il était si étroit qu’on pouvait à peine y circuler. Juste en face, il y avait un marsan feray qui entassait ses vieux métaux. Il était sympathique c’est vrai mais se souciait peu de l’ordre et de la propreté. Derrière le snack, il y avait un champ de cannes où les gens se droguent et font des trucs pas nets. Presque tous les jours, la brigade anti-drogue (l’ADSU) fait des rondes dans les alentours. Les gens là-bas sont solidaires, mais parfois, il y avait des bagarres entre voisins.
Autant vous dire que ce que je craignais est arrivé : les conditions de vie de Malia n’étaient plus les mêmes. À la maison, mon père lui avait construit une niche, elle recevait des câlins, de l’affection, elle était heureuse. À Barkly, elle était enchaînée avec pour seul abri une feuille de tôle pour se protéger de la pluie. Elle mangeait les restes que les clients laissaient. Elle n’était pas le seul chien là-bas. C’est un quartier où il y avait plein de chiens errants qui traînent à longueur de journée dans les rues. Ils sont maigres, sales, parfois avec des blessures. Un peu comme dans tous les quartiers populaires. En fait, personn pa gagn zot traka ! Ces chiens finissent soient malades, soient écrasés par les voitures, soient ramassés par la MSAW – organisme qui capture les chiens errants, qui sont piqués s’ils ne sont pas réclamés par leurs propriétaires. Malheureusement, à Maurice, beaucoup de propriétaires de chiens les attachent avec une chaîne toute la journée et les laissent errer la nuit, ce qui explique le nombre incalculable de chiens errants dans les rues.
Pour moi, Malia était avant tout un être vivant, à qui on doit du respect, de l’affection. Pour eux, elle n’était qu’un vulgaire animal. Les gens à qui on l’avait confiée n’avaient aucune considération pour son bien-être. Et quelques jours après, Malia a disparu. Ils n’ont même pas pris la peine de la chercher. Ils n’ont ressenti aucune tristesse, aucune inquiétude. Pour eux, c’était comme si rien n’avait changé. Ils n’ont pas su nous expliquer ce qui s’était passé. On se sait pas si la chienne a été volée. Si elle a été battue par des gens. Ou si elle s’est battue avec d’autres chiens et en est morte. Si elle s’est sauvée. Ou peut-être qu’ils en avaient eu marre d’elle et l’avaient donnée à quelqu’un d’autre vu que Malia aboyait tout le temps. Elle n’était pas habituée à être enchainée. Le plus triste c’est que je ne saurai jamais la vérité.
Depuis ce jour-là, je ne leur parle plus trop. Ils ne comprennent pas la peine qu’ils m’ont causée. Ici, à Maurice, trop de chiens ont vraiment une vie de chien!
Adriano, 18 ans
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