Pour les jeunes, par les jeunes de l’océan Indien
Des déchets qui flottent dans le port, une circulation dense et polluante, de l’électroménager jetés sur des terrains vagues… À 17 ans, Eva découvre une île Maurice bien loin des cartes postales. Venue d’Agaléga, elle raconte avec franchise et lucidité le choc de la pollution au quotidien. Un regard jeune, brut et nécessaire sur un pays qui oublie parfois de protéger ce qu’il a de plus précieux : sa nature.
Depuis que je suis à Maurice, c’est un grand changement pour moi dans mon quotidien. Pourquoi ? Parce que dans mon île, il n’y a pas autant de véhicules qu’ici. Là-bas, c’est plus paisible, l’air est plus respirable, et c’est moins bruyant. Ici, je trouve que l’air est assez pollué, surtout à cause des fumées des bus et des gros véhicules.
En ce moment, j’habite temporairement à Terre-Rouge, chez de la famille. Même la nuit, il y a du bruit. On entend les motos, les voitures… c’est sans arrêt. Au début, j’ai trouvé cela vraiment surprenant. J’avais du mal à m’endormir, alors que pour les autres dans la maison, c’était normal. En fait, ici, on vit dans un bruit constant.
Une autre chose que j’ai remarquée, c’est que les gens écoutent de la musique très fort. Chez eux, dans les bus, même dans la rue. Peut-être qu’ils ne voient pas ça comme une forme de pollution, mais pour moi, c’est agressif. On dirait qu’ils ne pensent pas aux autres. Chacun fait comme il veut, sans se soucier de ce qu’il y a autour. Je veux dire : surtout des autres autour d’eux.
Mais, en fait, pour moi, la pollution est partout à l’île Maurice.
Les gens ici — surtout ceux de ma génération — n’ont pas de manières. Ils jettent leurs déchets n’importe où. Quand ils mangent ou boivent quelque chose dans la rue, ils balancent les papiers, les bouteilles en plastique ou les canettes dans les drains ou sur les trottoirs. C’est choquant. On devrait leur apprendre ça à l’école. Même les adultes ne donnent pas l’exemple. Eux, ils vont jusqu’à jeter des vieux matelas, des toilettes cassées, ou même des frigos dans des terrains vagues. Ça reste là, personne ne vient les enlever. Je ne pensais pas voir ça un jour dans ma vie.
Ce qui m’a bouleversée, c’est la pollution dans la mer, à Maurice. J’ai vu des déchets flotter dans l’eau, au port, du côté du Caudan. J’étais choquée. Et quand je suis allée à la plage dans le Nord, j’ai vu tellement de bateaux amarrés qu’on aurait dit un parking sur la mer ! Ils sont éparpillés partout. Mais les gens ici ne semblent pas être choqués de voir ça. J’ai même vu des fils de pêche et des morceaux de filets usés sur le sable. Et les tortues ? On pense à elles, parfois ? Chez moi, à Agaléga, les gens commencent eux aussi à faire moins attention, et ça me rend triste.
Quand je reprends le bateau pour rentrer à Agaléga, au port, je vois parfois de l’huile flotter à la surface de l’eau, autour des bateaux. Et je suis triste, parce que j’ai l’impression que les gens s’en fichent, de toute la vie qu’il y a dans la mer.
J’ai bien envie de rester à Maurice pour continuer mes études et travailler un jour. Mais toutes ces choses me font réfléchir. Je ne suis pas habituée à ce genre de vie. J’aime la tranquillité. Et je n’ai pas envie de tomber malade à cause de la pollution de l’air. Moi, j’aime ce qui est beau, et je crois que la nature est belle par elle-même. Il faut la protéger.
J’aimerais tellement qu’il y ait un changement dans les comportements. Ce serait mieux pour notre santé à tous. Et puis, protéger la mer, c’est important. Pour les Mauriciens, c’est une source de revenus, et pour nous, à Agaléga, c’est une source de nourriture.
Eva, 17 ans