Notre FUTUR

Fièrement Malagasy, fièrement de la Gen Z

À Tananarive, berceau du soulèvement qui ébranle Madagascar depuis le 25 septembre, Salema, jeune ingénieur agronome, raconte son engagement aux côtés d’autres jeunes de la Génération Z. Dans un pays en crise, son témoignage incarne la voix d’une jeunesse qui se lève pour exiger dignité, justice et liberté.

 

Je suis descendu dans les rues aux côtés des autres jeunes dès le premier jour des manifestations. Cela faisait déjà quelques jours que je suivais cette situation politique tendue : deux conseillers municipaux avaient entamé une marche pacifique une semaine avant le 24 septembre. Ils interpellaient la sénatrice, ancienne ministre de la Communication sur la liberté d’expression, mais aussi sur l’accès à l’eau et à l’électricité pour tous.

Dans ce même élan, quand la Génération Z a lancé le mouvement, je n’ai pas hésité une seconde à rejoindre la foule pour dire « Ça suffit ! » aux abus de toutes sortes, et revendiquer nos droits fondamentaux.

Certes, chez moi, je ne manque ni d’eau ni d’électricité. Mais ce qui m’importe, c’est d’être solidaire des autres. Nous nous levons pour tous les Malgaches. Je me sens responsable, comme chaque citoyen de mon pays, de demander la fin d’un système politique corrompu qui dilapide les ressources nationales.

 

La politique a toujours été un sujet tabou dans ma famille. Ma décision de manifester chaque jour dans les rues de ma ville natale, Tananarive, était donc personnelle. Je n’avais pas envie d’en parler à mes parents, qui sont plutôt du genre à dire : « Il ne faut pas se faire remarquer, il ne faut pas se rebeller contre le pouvoir. » Ils avaient peur de ce qui pouvait m’arriver si la situation dégénérait. Pour eux, la sécurité passait avant tout.

Mais au fil des jours, nous avons eu de longues discussions. J’ai expliqué pourquoi il était important pour moi de m’engager dans cette lutte. Peu à peu, ils ont compris qu’il était temps pour notre pays de changer. Aujourd’hui, quand ils me voient me préparer chaque matin pour aller rejoindre les manifestants, je voit un mélange de peur et de fierté dans leurs yeux.

La première fois que j’ai manifesté, le jeudi 25 septembre, je suis parti seul. J’ai été agréablement surpris d’y retrouver d’anciens camarades de l’université. On ne s’était pas donné rendez-vous, mais on était tous là, réunis par la même envie de mettre un terme à cette spirale politique délétère. Je me suis naturellement retrouvé en première ligne.

 

Les deux premiers jours, nous n’avions pas vraiment peur… jusqu’à ce que les forces de l’ordre tirent à balles réelles. À chaque attaque, nous nous repliions dans les maisons et les jardins. Ma plus grande joie a été de constater la solidarité des Malgaches. Partout, les gens nous ont ouvert leurs portes pour nous permettre de nous réfugier. D’autres nous ont offert de l’eau, à manger, des masques… Les familles aisées comme les plus modestes, les églises aussi : tous étaient à nos côtés.

Nous sommes UN seul peuple, et nous le vivons fièrement !

Je suis chaque jour sur les canaux Discord et Signal pour suivre les consignes des porte-paroles du mouvement Gen Z : les points de ralliement, les conseils en cas de riposte violente… Mais entre la théorie et la réalité du terrain, il y a un monde.

En face, les forces de l’ordre sont lourdement armées, prêtes à tirer, à lancer des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes. Dans ces moments-là, on est seul face à soi-même. Moi, je garde toujours un masque à gaz, et j’essaie de rester près de la première ligne : quand ils lancent les grenades, elles retombent derrière nous. Chacun a développé sa propre manière de se protéger.

Aujourd’hui, sans gouvernement et avec la fuite du président Rajoelina, j’espère que la classe politique – et nos aînés en général – ont compris qu’ils avaient sous-estimé la jeunesse malgache. Nous avons su isoler le président. Désormais, nous réclamons notre pleine place dans la société à reconstruire. J’ai manifesté pour que la voix des jeunes soit entendue, que nos idées soient prises en compte, que chaque Malgache puisse s’exprimer librement.

Avec le collectif qui s’est formé autour de Gen Z, auquel moi, simple citoyen, je me suis joint, nous resterons les chiens de garde d’aujourd’hui et de demain, pour que Madagascar devienne enfin une démocratie sans entraves.

Je veux que le système électoral soit refondé, repensé, à la hauteur de ce que nous, la jeunesse, attendons de notre pays au XXIᵉ siècle.

Je suis fièrement Malagasy.

 

Salema, 27 ans

 

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