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Femmes d’Agalega : l’âme et la sueur de l’île

Alors qu’une délégation ministérielle mauricienne vient de visiter les deux îles d’Agaléga, Grâce, 16 ans, lève le voile sur la réalité trop souvent ignorée des femmes agaléennes. Entre labeur physique, inégalités criantes et absence de reconnaissance, elles assurent les tâches les plus rudes sans jamais se plaindre. Un témoignage brut et sans détour.

 

La vie des femmes à Agaléga n’a jamais été facile. Ni aujourd’hui, ni même avant. Je ne sais pas pourquoi, les femmes chez nous ont des tâches vraiment difficiles. Plus que les hommes d’ailleurs. Je crois que, dans notre île, la place des femmes est vraiment différente qu’ailleurs dans le monde. Je vous donne une petite idée des taches qui leur sont réservées : le nettoyage des bois et forêts, le dépeçage des noix de coco – chez nous à Agaléga, on dit « décoquer », le transport des boîtes lors de la livraison des vivres et autres cargaisons qui arrivent dans l’île.

 

Si un jour vous avez la chance d’aller à Agaléga, vous verrez que chez nous les femmes se lèvent tôt car dès 07h00, elles doivent se rendre au travail.

 

Je pense à Mireille. Elle travaille à la boutique dans le village ou j’habite. Ça s’appelle 25. Les gran dimoun disent que le village porte ce nom car, à l’époque, le commandeur punissait les récalcitrants au travail de 25 coups de fouet ! Grrrr, moi je préfère que tout ça n’existe plus. En tout cas, à 25, il y a la seule boutique pour l’île du Nord. C’est le seul endroit où on peut aller acheter tout ce dont on a besoin : les produits alimentaires essentiellement, les vêtements aussi. Ils sont quatre à y travailler et Mireille compte parmi les travailleurs. D’ailleurs, quand le superviseur offre ce poste, souvent les hommes refusent d’être candidats : il faut rester debout des heures entières, il faut servir les clients, il faut charger et décharger les livraisons comme les caisses de bière. C’est même un poste qui demanderait que ce soit plusieurs personnes qui soient recrutées. Je ne comprends pas. C’est un travail ingrat.

 

Il y a un autre travail très difficile qui est exercé uniquement par les femmes à Agaléga : c’est « décoquer » c’est-à-dire ouvrir les noix de cocos et prélever la chair qui est utilisé pour faire de l’huile. La noix est pressée dans des grosses machines pour extraire l’huile et les déchets sont utilisés pour nourrir les animaux de basse-cour et les cochons. Cette nourriture pour les bêtes, on appelle ça le ‘pounac’. Pour décoquer, les femmes utilisent un outil spécial : une sorte de canif avec un manche plus long que la lame. Ce sont des heures de travail super difficiles. Ma maman fait çà deux fois par semaine. Parfois, elle se blesse. Désormais, elle porte désormais des gants pour casser les noix. C’est rude. Les travailleuses ont reçu une machine pour aller plus vite et faire mieux mais elles ne peuvent pas l’utiliser finalement parce que le manager affirme qu’il faut être un professionnel pour s’en servir. Mais comment devient-on professionnel sans l’utiliser ? Je ne comprends pas à quoi elle sert en réalité, cette machine. Les travailleuses ne l’ont carrément jamais essayé. Ces femmes « décoquent » entre 500 à 600 cocos chaque mercredi et chaque vendredi. Elles sont payées à la tâche. Je n’ai jamais vu un homme s’y coller. Bah, c’est qu’il faut être courageux et pas paresseux.

 

Avec cette récolte, l’usine qui broie les noix produit l’huile de coco depuis des années à Agaléga. Elle est très réputée car elle est pure.

 

L’autre chose que j’ai remarquée, c’est quand des équipages de l’OIDC débarquent à Agaléga, ce sont toujours les femmes qui sont chargées de faire la cuisine, de nettoyer les bureaux, le salon VIP mais aussi de s’assurer que le petit bureau de poste est propre. En général, la travailleuse qui accepte de faire tout çà, elle n’a que 24 heures pour faire briller le tout et pour préparer les repas. Elle n’a pas le droit de tomber malade. C’est arrivé qu’elle ait demandé une permission de s’absenter, mais le responsable du site refuse sa demande.

 

Et l’autre travail très dur confié aux femmes, c’est le nettoyage des plages mais aussi des bois aux alentours des habitations et le long des routes. Elles arrachent les herbes, coupent les arbres, enlèvent les lianes, etc. Mais ça c’est un travail pour les hommes. Eux, quand ils trouvent çà trop difficile, ils vont se plaindre au manager de l’île, M. Emmanuel. Parfois, quand je vais à l’école, je les vois sur la route en train de discuter ; ils ne bougent pas le p’tit doigt pendant que les femmes à côté travaillent dur.

 

Moi, ça me met en colère ! Il faut que la situation des femmes à Agaléga évolue. Tout le monde s’en moque. Comme si nous, les filles et les femmes là-bas, nous comptons pour du beurre !

 

Grâce, 16 ans

 

1 Commentaire

  • Yo

    C’est Tellement injuste pour les femmes d’agalega,J’espere qu’un jour tout ça va changer Car ce n’est pas acceptable

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