Pour les jeunes, par les jeunes de l’océan Indien

Kenzi a choisi de quitter Madagascar pour venir étudier à Maurice. Entre ses cours, son travail comme caissier dans un restaurant et son business de trading, il navigue chaque jour entre pression parentale, vide affectif, fatigue, voire racisme. Mais Kenzi est déterminé à rendre fiers ses parents et à tracer sa propre route.
Dans beaucoup de familles, les parents espèrent que leurs enfants trouvent une stabilité : de bons diplômes, un bon travail, une vie assurée. Mais derrière cette attente, il y a une autre réalité, celle que je vis en silence.
J’ai commencé des études universitaires en Humanités Numériques avec l’idée d’élargir mes horizons et de construire mon avenir. Mais très vite, j’ai découvert que la vie universitaire n’était pas seulement une question d’études. Il y a la pression du temps qui passe, le sentiment que nos parents vieillissent pendant que nous cherchons encore notre voie, et surtout la peur de ne pas savoir si on va réellement y arriver.
En parallèle de mes cours, je travaille comme caissier dans un restaurant à Port-Louis. Ce n’est pas un métier facile. Les clients défilent, certains sont sympathiques, mais d’autres me rappellent à quel point je suis vulnérable. Il m’est déjà arrivé de subir des remarques racistes. Dans ces moments, je dois rester calme, garder le sourire, et être professionnel. Parce qu’ici, c’est leur pays, et je n’ai pas le droit de répondre. C’est une humiliation silencieuse, mais je n’ai pas d’autre choix que d’encaisser.
À côté de ça, il y a mon business : le trading. Cela fait maintenant deux ans que j’y consacre mes jours et mes nuits. J’ai tout donné, parfois même au détriment de mes moments de repos, parce que je me vois mal passer ma vie enfermé dans une entreprise. Je rêve de créer la mienne. Mais pour l’instant, malgré mes efforts, je n’ai pas encore vu de vrais résultats. Pendant ces deux années, je me suis fixé beaucoup d’objectifs, mais à chaque fois, ce fut échec après échec. Et cette absence de succès alimente la pression que ma mère m’impose. Elle ne me le dit pas directement, mais je sais qu’elle voudrait que j’arrête le trading et que je me concentre uniquement sur mes études.
Chez moi, je vis avec deux membres de ma famille. Je sais qu’eux aussi mènent leur propre guerre silencieuse. C’est pour ça que je ne leur parle pas de mes difficultés : je ne veux pas leur ajouter un poids de plus. À cette fatigue s’ajoute aussi un vide affectif : ma copine est à Madagascar. La distance nous sépare et je n’ai pas ce soutien émotionnel qui, parfois, aurait pu apaiser mes journées les plus lourdes.
Entre les attentes de ma famille, mes études qui me demandent beaucoup d’efforts, mon travail qui m’épuise et mon business qui stagne, je me sens souvent perdu. Comme si je devais courir dans trois directions à la fois, sans jamais avancer vraiment.
Mais malgré tout, il y a une chose à laquelle je tiens : tôt ou tard, j’y arriverai. Peut-être que je marche plus lentement que je ne le voudrais, mais chaque pas compte. Je veux rendre mes parents fiers, et surtout, je veux me prouver à moi-même que malgré les obstacles, je suis capable de tracer ma propre route.
Kenzi, 19 ans