Pour les jeunes, par les jeunes de l’océan Indien
Son parcours est fulgurant. À 25 ans, elle a connu les plus hauts sommets de l’athlétisme paralympique. Aux Jeux de la Francophonie, aux Jeux des Iles de l’océan Indien où elle est montée sur la plus haute marche du podium : rien ne fait peur à cette sprinteuse, aveugle de naissance. Mais elle pense déjà à la vie d’après. Quelle reconversion pour elle ? La lutte ne s’arrête jamais !
Je suis aveugle, mais cela ne m’a jamais empêchée de rêver en grand. La preuve est la carrière que je mène depuis quelques années comme une athlète paralympique de haut niveau. Ce parcours que je fais à coups d’entrainements et d’efforts tous les jours, je l’ai voulu pour que ma maman soit fière de moi. Plus encore, c’est pour lui dire merci de n’avoir jamais cédé aux mauvaises langues qui lui demandaient de m’abandonner quand je suis née.
C’est vrai, que je suis née aveugle. Quand j’étais adolescente, ma maman me racontait que les gens autour d’elle lui disaient que je serais un fardeau pour elle et qu’elle ferait mieux de m’abandonner dans un couvent de bonnes sœurs. Les gens disaient que ma maman souffrirait trop. Pourtant, elle a décidé de me garder auprès d’elle. Pour elle, j’ai toujours été son enfant chérie. Ces paroles ont résonné chaque jour en moi. J’avais mal pour ma maman. Je me suis dis que je devais faire quelque chose pour la rendre fière. C’est pour cette raison que je me suis dis que j’allais m’engager dans le sport.
J’ai commencé à l’âge de 11 ans à pratiquer le sport. Mais ce n’était pas facile. La première fois que j’ai été qualifiée pour prendre part à une compétition internationale, c’était en Italie. Je ne voulais pas y aller. J’avais peur. Pour moi, c’était l’inconnu et j’allais être loin de ma famille, de mon pays. Cela a été une mauvaise expérience pour moi. L’équipe qui m’accompagnait à l’époque manquait de patience envers moi, me laissait enfermée dans la chambre d’hôtel, seule, et je ne suis sortie que pour faire mon épreuve. Je me sentais comme un fardeau. Il m’arrivait de pleurer dans ma chambre, car je détestais être seule.
Pour ma famille, ce qui importait c’est que je participe et même si je suis rentrée sans médaille, elle était fière de moi. Il a fallu que je replonge en moi-même pour me recentrer sur ma motivation initiale et pour repartir à la charge après. C’est ce que j’ai fait. J’ai battu les records nationaux du 100m T11, enchaîné les compétitions dans la région océan Indien, en Afrique, en Europe. J’ai connu beaucoup de succès. En 2023, le ministère des Sports m’a même désignée comme porte-drapeau du pays pour la cérémonie d’ouverture des Jeux des Iles à Madagascar. C’était une immense fierté pour moi ce jour-là même si j’étais malade, fiévreuse. J’ai pensé à maman qui me regardait à la télévision.
Rien n’a été facile. Parfois j’ai subi les remarques désagréables d’athlètes valides sur les pistes d’entraînement. Mais depuis ma première compétition en Italie, j’ai décidé de me faire respecter. J’ignore les remarques désobligeantes. Il faut dire que heureusement, les choses ont changé depuis ma première mésaventure. J’ai eu un nouveau coach et mon guide, Loic et Jean-Marie Bhugeerathee. Avec eux, tout va pour le mieux. Leur soutien et leur compréhension m’ont permis de m’épanouir pleinement, tant sur le plan sportif que personnel. J’ai décroché de nombreuses médailles d’or. Chaque jour est devenu une nouvelle opportunité de surmonter les obstacles et de poursuivre mes rêves. La presse mauricienne m’accorde toujours son attention lors des compétitions.
Depuis quelque temps, je m’entraîne avec la championne mondiale mauricienne, Noemi Alphonse. C’est une inspiration pour moi.
Mais je songe désormais à l’après. Comme les athlètes valides, chacun pense à se réaliser aussi après le parcours sportif.
Mon aspiration la plus profonde est de devenir animatrice radio. C’est un rêve nourri par mes nombreuses heures d’écoute des émissions à la radio. J’aimerais moi aussi devenir animatrice radio,. Si mon rêve se réalise je serais alors la première non-voyante à travailler sur les ondes d’une radio mainstream.
Là aussi j’ai réalisé un premier pas grâce à l’association GRF, qui m’a offert une opportunité inestimable. En 2020, j’ai eu l’honneur d’interviewer Haipha, une écrivaine non-voyante et atteinte d’une paralysie cérébrale. Cette expérience a été extraordinaire pour moi. Pouvoir échanger avec cette auteure, partager nos histoires et nos luttes, et surtout, entendre sa passion et sa détermination, a renforcé mon désir de poursuivre dans cette voie.
Ce qui est dommage, c’est qu’il n’existe pas de formation ou d’accompagnement pour les jeunes portant un handicap comme moi qui souhaitent se former à un métier comme celui-ci. Mais je garde espoir que mon rêve se réalisera un jour. Avec de la détermination, tout est possible.
Que ce soit derrière le micro d’une radio ou sur la piste d’athlétisme, je suis déterminée à montrer que la cécité n’est pas une barrière, mais simplement un défi à relever.
Anndora, 25 ans