Notre FUTUR

J’habite le « futur Manhattan » de Maurice !

Il y a l’île Maurice carte postale, dont les touristes viennent chaque année doubler la population. Mais ces touristes, Damien ne les voit jamais dans sa ville, Vacoas, qu’un politicien a pourtant promis de transformer en Manhattan. Car que viendraient-ils faire dans un lieu synonyme d’ennui où lui-même ne traîne pas ?

 

J’habite au paradis, dans une carte postale, là où les gens ne voient que le bleu du lagon, les plages de sable fin et les hôtels de luxe, dans un pays qui double sa population tous les ans avec les touristes.

 

Mais la carte postale a un revers. Celui qu’on ne voit pas. J’habite à Vacoas, une ville au centre de l’île, un désert urbain à qui on promet de devenir comme une des plus grandes et prestigieuses villes américaines : Manhattan. Rien de moins. C’est l’ex député de notre région qui nous l’avait promis. Depuis il s’était attiré la moquerie, c’était presque devenu une blague. Évidemment personne n’y avait cru. En tout cas on se dit que ce futur risque de prendre du temps à arriver.

 

Manhattan c’est le glamour, les taxis jaunes, les gratte-ciels et les hot dogs.

Vacoas c’est les ‘taxis marron’ crasseux, les meetings politiques, le bazar et les rôtis de chez Kacim à Rs 30 la paire.

 

Manhattan, c’est le luxe mais du luxe à Vacoas… mon cul.

 

J’habite un pays touristique qui voit défiler chaque année plus d’un million de voyageurs… mais dans ma ville je n’ai jamais croisé un touriste. Pourquoi viendraient-ils ici ?

 

Vacoas c’est une gare d’autobus dont l’odeur m’oblige à me transformer en plongeur en apnée et qui ne sert qu’à quitter la ville.

 

Vacoas c’est des espaces vides, des bâtiments abandonnés et des citoyens qui le sont tout autant.

 

Vacoas ? Mais il y a quoi à faire là-bas ? demandent les gens.

 

T’es sérieux, tu vis à Vacoas ?

 

C’est ce que j’entends à chaque fois que je dis d’où je viens.

Port-Louis c’est la capitale.

Rose-Hill c’est la salle du Plaza et l’espace de skate.

Tamarin c’est la plage et le spot de surf.

Mais Vacoas c’est quoi ?

Rien, juste un « red flag », ce signal qui s’accroche à mon dos à chaque fois que je dis d’où je viens.

À Vacoas seuls les casinos sont nos amis. Ce sont les seuls endroits où les Vacoassiens vont en sortie… surtout ma mère et mes tantes. À tel point que les Vacoassiens sont qualifiés de zougader, juste des accros au jeu. Mes tantes y vont si souvent qu’elles savent quel jour il va payer ! Un jour, j’ai suivi leurs conseils, j’ai misé 100, j’ai gagné 10 000 ! Ce jour-là, le casino était aussi mon ami. My BFF.

 

Mais en dehors du casino, Vacoas est synonyme d’ennui.

 

C’est une ville fantôme qui ne s’anime que les mardis et vendredis à l’heure où le bazar est plein à craquer.

 

Vacoas est la ville où les politiciens font leurs meetings probablement parce que la SMF, les forces anti-émeutes, sont logées là.

Pourtant je suis attaché à cette ville, elle est un peu ma mère. Elle a vu mes premiers pas, mes premiers mots et ma première fugue, à 10 ans, quand sans prévenir mes parents je suis allé jouer chez Terry. Vacoas c’est ma ville mère.  Nous avons une relation difficile voire problématique.

 

Je ne la connais peut-être pas suffisamment. C’est une ville où je ne traîne pas. Je ne traîne pas dans la ville où j’habite ! Dès que je peux je m’éloigne. Je vais à Grand Baie. C’est là qu’est l’opulence, le style de vie, la mer, les beaux immeubles, les boîtes de nuit. La carte postale de Maurice que tout le monde connaît mais dans laquelle je n’ai pas vraiment ma place.

 

Damien, 21 ans

 

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