Notre FUTUR

Étudier jusqu’à l’épuisement

Après avoir échoué aux examens du Cambridge School Certificate, Kevisen a décidé d’arrêter toutes ses activités extrascolaires pour se consacrer jusqu’à l’épuisement à ses études. Un choix difficile, qui dit beaucoup de la course effrénée vers la réussite qui caractérise le système scolaire mauricien.

 

Depuis un an et demi, ma vie d’adolescent insouciant a complètement changé. Je me consacre à 100% à mes études. Ce changement plus que radical était le début d’une longue série de sacrifices. Pour réussir, je me suis dit : c’est tout ou rien. Parfois je travaille jusqu’à deux heures du matin. Après l’école, je cours pour prendre le bus afin de me rendre à des leçons (cours particuliers). Les cours à l’école ne suffisent pas et c’est pour cela que j’ai besoin de connaissances supplémentaires. Aujourd’hui ma vie tourne autour de cela. Pour être honnête c’est un poids constant sur mes épaules. D’ailleurs, le sport, c’est fini. Pareil pour les sorties entre amis. J’ai toujours le nez fourré dans mes livres et cahiers.

 

Le déclic pour moi, ça a été le jour où j’ai reçu mes résultats du Cambridge School Certificate. Ce moment m’a profondément marqué et est resté gravé dans ma mémoire. Cela m’a fait réaliser que je devais être plus déterminé, si je voulais réussir.

 

Je me souviens encore : j’étais assis devant mon ordinateur, attendant les résultats, stressé à fond. Il restait quelques minutes, et mon cœur battait à toute vitesse, à tel point que je pensais qu’il allait s’arrêter. À 10 heures précises, les résultats ont été mis en ligne. Chaque étudiant avait un site spécifique et un mot de passe. Mes mains tremblaient. Rassemblant mon courage, j’ai entré mon mot de passe. Quand j’ai vu mes résultats, j’ai été choqué et confus aussi. Les larmes coulaient sur mon visage car cela ne reflétait pas le travail que j’estimais avoir fait. J’étais dévasté et déçu. Mes parents quant à eux étaient furieux, même si, en fin de la journée, ils m’ont assuré de leur soutien.

 

Cette nuit-là, dans ma chambre, j’ai réfléchi à mes rêves et à mon avenir. J’ai essuyé mes larmes et je me suis dit que désormais, je renonçais définitivement à mes activités extrascolaires. Je me suis mis à rechercher les meilleurs professeurs. J’ai demandé à mon ami Axel, qui avait réussi ses examens, où il prenait ses cours particuliers et qui étaient ses enseignants. Je regardais aussi les annonces sur le web. Les professeurs étaient tous loin de chez moi. Les cours de comptabilité sont à Pointe aux Sables, et les cours d’anglais sont à Providence, un endroit à l’opposé de Rose Hill. En ce qui concerne les cours de sociologie, je devais me rendre à Curepipe, et pour clôturer tout ça les cours de maths se font à Port Louis.

 

De plus, les frais sont assez élevés et variés selon les matières. Pour les quatre matières principales, il faut compter plus de Rs 800 par mois, et les autres tournent entre Rs 500 et Rs 700. Mes parents font beaucoup de sacrifices pour moi; ils font des heures supplémentaires pour gagner plus d’argent. Ils ont accepté de payer seulement si je promets d’obtenir de bons résultats. J’ai tout sacrifié mais j’ai fait ce choix pour mes parents et pour mon avenir. J’ai redoublé mon année de SC et je l’ai réussie. Mes parents ont été très fiers de moi.

 

J’ai rencontré un ami qui s’appelle Ryan. Il parle à peine en classe, mais un jour, il m’a dit que lui aussi travaille dur et qu’il est épuisé. C’est alors que j’ai réalisé que je ne suis pas seul dans cette période difficile.

 

J’ai arrêté toutes mes activités du quotidien. L’une d’elles était la pratique du taekwondo. Cela m’aidait à évacuer le stress et à socialiser. Beaucoup de mes amis, à l’école comme en dehors, ne comprennent pas mon choix. À l’école, mes amis interagissent moins avec moi. Mais je continue à me concentrer sur mes objectifs, avec ou sans eux. Je pratiquais aussi le jogging. Je courais dans un petit parc appelé Cavalot près de chez moi pour rester en forme et sculpter mon corps. J’ai remarqué que depuis que j’ai arrêté ma pratique sportive, je me sens souvent fatigué et parfois même malade.

 

La course effrénée vers la réussite fait partie du système éducatif mauricien. Je dois rester dans cette course pour me construire un avenir. Pour moi, cela signifie renoncer à tout ce qui pourrait me distraire de cet unique objectif. Nous sommes des milliers dans les collèges mauriciens à subir ce même sort pour briller.

 

Kevisen, 20 ans, Plaisance



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